AGENDAS

DUKREBEN-La bonne aventure

DUKREBEN

La bonne aventure


UNE JOURNEE FESTIVE AUTOUR DE L´INSTALLATION ARTISTIQUE « DUKREBEN » PROPOSÉE PAR LA COMPAGNIE LES ALLUMEURS


Le programme du samedi 9 février 2013 :

14h-16h : Projection au cinéma d’art et d’essai L’étoile, récemment inauguré en face du cirque électrique, de Latcho Drom de Tony Gatlif en sa présence, (Sous réserve)

16h-18h : Retour pour un débat, sous le chapiteau du cirque électrique, sur la mémoire personnelle et collective de la culture Rrom :

- la mémoire Rrom se perd elle, évolue-t-elle, peut-elle se reconstruire ou se réinventer, à travers quels repères (langue, rites, histoire…) ?
- Les Roms se reconnaissent ils dans le miroir qu’on leur tend ? Qu’acceptent-t-il de garder et qu’est- ce que l’intégration à la française leur permet-elle ? Peut-on dans certain cas parler de dépersonnalisation ? Qu’est-ce qui demeure d’eux même dans nos sociétés ?
Ce débat sera orchestré par la journaliste Valérie de Saint Do avec le soutien du journal Cassandre Horschamp et de Nicolas Roméas
Personnalités dont la présence au débat est sollicitée : Julien Beller, président du 6 B, architecte spécialiste de la question Rrom, Augustin Legrand (Les enfants de Don Quichotte), Alexandre et Delia Romanès (Cirque traditionnel et familial Romanès), Patrick Williams, chercheur au CNRS et directeur du laboratoire d’anthropologie urbaine qui a centré depuis de nombreuses années ses recherches sur les Tsiganes, Claire Auzias, chargée de mission à l’institut de l’enfance et de la famille, historienne travaillant dans le cadre de l’Union Romani Internationale et auteur de nombreux ouvrages sur la question des Rroms, Françoise Cozannet, Docteur de l’Université des Sciences Humaines de Strasbourg, Jean-Pierre Liégeois, également auteur de nombreux ouvrages de référence sur la question, Henriette Asseo, membre du conseil de direction du centre de recherches tsiganes de l’Université Paris-Descartes, Béatrice Jaulin, directrice de la revue tsigane « Monde gitan » et auteur pour la collection Autrement d’une étude sur les Rroms de Montreuil, Stéphane Lévêque président de la Fnasat, Saimir Mile de la Voix des Rroms, Alain Daumas de l’UFAT, Malik Salemkour de Romeurope, Marcel Courtiade de l’association “Rromani Baxt”, Elisabeth Croze, vice présidente de l’association “Jamais sans nous”....

18h-20h : Vernissage de l’installation “DUKREBEN la bonne aventure” et cocktail inspiré avec une performance chorégraphiée des élèves de l’académie Fratellini.

21h : En soirée, le cirque électrique présentera son cirque laboratoire, s’inspirant de la tradition Rrom avec une programmation musicale proposée par la Cie “Les Allumeurs”. Les musiciens invités (sous réserve) sont Titi Robin, DJ Tagada et Rona Hartner, la Vache, Léviathan Gipsy Band, des musiciens des familles Rroms que nous connaissons, des accordéonistes de rue, de vrais et de faux tsiganes, réunis pour un bœuf improbable.
En marge de cette programmation la petite-roulotte musée de Tania Magy, l’espiègle Monsieur Chiffon avec ses automates singuliers ainsi qu’un corner librairie où chacun des auteurs invités pourra présenter ses écrits et parutions.


LA DEMARCHE DE L’INSTALLATION “DUKREBEN la bonne aventure” :

Le dispositif artistique “DUKREBEN la bonne aventure”, parle de la mémoire de la population Rrom de la Seine-Saint-Denis à travers sa culture, ses rites et sa magie.
De nombreuses études sociologiques et ethnologiques de grande qualité lui ont été consacrées. En tant que plasticien(ne)s, notre approche s’inscrit dans une démarche plus transversale.
Pourquoi avons-nous choisi de faire un travail artistique sur et avec les Rroms ?

Il y a, à l’égard de ce peuple, à l’origine incertaine, sans doute indienne, un imaginaire populaire fantasmatique qui va du nomade aux semelles de vent au montreur d’ours ou au voleur de poule, du ferrailleur ou de l’étameur à la diseuse de bonne aventure ou à la danseuse flamenca. Cet imaginaire est renforcé par l’ignorance de leur organisation sociale, de leurs coutumes, de leurs croyances, de leur histoire, de leur manière d’être et de vivre. Pour la chercheuse Claire Auzias, "L’hospitalité qu’il serait temps de lui prodiguer (au peuple Rrom ) pourrait créer les conditions d’un échange égal où l’opposition que le Rrom moyen se croit obliger de manifester à un gadjo, par impératif identitaire ou par idéologie, se résoudra en redéployant sa présence au monde".

C’est dans l’esprit d’un tel échange, éminemment souhaitable, que nous sommes allé(e)s à la rencontre de la réalité quotidienne de leur société et de leur civilisation.

Notre projet a consisté à suivre les villages d’insertion Rroms d’Aubervilliers et de Saint-ouen (projet de Maîtrise d’Œuvre Urbaine et Sociale), et le campement de la rue Landy à Aubervilliers, en association étroite avec les travailleurs sociaux locaux ( Aide à la Scolarisation des Enfants Tsiganes / ASET 93, Aide au Logement des Jeunes / ALJ93), et avec la participation de chercheur(se)s, tsiganes ou non, d’intellectuels (psychologues, sociologues, linguistes) et d’artistes (chorégraphes ou musiciens), intéressés par notre problématique.

Le travail plastique de Zsazsa Mercury a permis de recueillir tout ce qui renvoie à la permanence d’une mémoire vivante personnelle et collective, en liaison avec les coutumes et les rituels pratiqués (mariage, deuil), les objets (porte-bonheur, bijoux, vêtements), les pratiques divinatoires, le code d’honneur ; ont été mis en évidence, leurs caractéristiques esthétiques ou leurs spécificités formelles et notamment les matières, les formes et les couleurs.

Le « jardin imaginaire » créé par Sylvie Da Costa pour la partie paysagère associe la connaissance que les Rroms ont des végétaux et leur utilisation ancestrale.

Ces deux aspects du projet se sont amorcés grâce à la mise en place d’une vingtaine d’ateliers intergenerationnels d’art plastique et de réflexion durant l’année 2012.

L’installation “DUKREBEN la bonne aventure” est une réinvention de l’univers Rrom croisé avec les univers personnels et les pratiques artistiques de la compagnie.

Cette approche des Roms a été conduite avec le souci permanent de coller à la réalité vécue de ces communautés. La transcription plastique de leur univers lui conserve ses secrets et laisse place à la magie. C’est ce qui lui donne tout son sens.

LE DISPOSITIF DE L’INSTALLATION PRÉSENTÉE POUR LA PREMIÈRE FOIS LORS DES NUITS BLANCHES D’AUBERVILLIERS

Imaginez un espace sombre, tendu de toiles noires et là, dans ce lieu un peu mystérieux, au premier plan, sept roues horizontales, placées en quinconce, serties de petites lumières scintillantes, qui tournent sur leur axe.

Au second plan, l’alignement en caravane de petites armoires à pharmacies, aux portes en miroir, qui battent comme des ailes fixées à une drôle de structure en bois ébauchant l’idée d’une cabane de campement.

L’ensemble baigne dans une musique étrange de percussions qui réverbèrent et donnent à ces automates une dimension magique.
Mais de quoi s’agit-il ?

Sylvie Da Costa, plasticienne paysagiste et spécialiste des plantes, s’est surtout intéressée aux pratiques magiques de ces communautés qui restent le domaine privilégié de la shamouna Drabani, la petite fée aux herbes. Les 7 roues horizontales comportent deux étages. Elles reposent sur des socles, fabriqués pour l’occasion, par Christian..., un designer qui travaille depuis longue date avec des ferrailleurs Rroms. Elles portent, à leur circonférence une sorte de diaporama de photos de petites danseuses aux amples jupes, qui se reflètent dans 12 lames de miroir, montées sur un praxinoscope qui donne l’impression du mouvement.

Chaque roue représente une potion magique et les divers ingrédients végétaux la composant. La potion magique est destinée au bonheur et à favoriser la chance. Sous chaque roue, pendent des herbiers faits de deux plaques de verre, de petits bocaux où macèrent diverses plantes selon des recettes que les Rroms ont ressuscitées à partir de leur propre mémoire ou des pratiques encore vivantes.

Au second plan, Zsazsa Mercury, artiste plasticienne, a mis en scène les rites Rroms autour de grands thèmes comme la naissance et le baptême, le mariage, la mort, la bonne aventure, la fête ou le code d’honneur.

Chacun de ces moments de la vie est présenté dans une boite à pharmacie recyclée, à 3 compartiments, fermés par des portes recouvertes de miroirs qui s’ouvrent et se ferment et battent comme des ailes lumineuses.

Chaque boite est comme un écrin précieusement décoré dans lequel on découvre des compositions de petits objets symboliques, des broderies, des dessins, des photos, des bibelots : ainsi les petites mariées en grande robe blanche qui tournent sur elles mêmes, les mains où se dessinent les lignes du destin, la guitare qui fait chanter et danser aux jours de fête ou un petit tombeau, garni des objets du défunt.

De part et d’autre des ces boites, deux installations vidéo diffusent l’une des petites filles mimant le mariage Rrom, l’autre les images lancinantes d’une mariée rêvée.

Ces deux espaces, consacrés à la magie et aux rites liés à la communauté Rrome communiquent par des liens profonds.

Le choix de la roue, emblème de l’indianité, renvoie à la réalité du mouvement qui règle la vie, dans l’espace, de ces peuples de migrants perpétuels, car dans la pensée du nomade, « le normal n’est pas le fixe. La fluidité et le mouvement sont l’ordre et non le chaos. » (Levy-Strauss)
Elle évoque aussi le temps qui rythme le cycle des saisons qui n’obéit pas au temps des métronomes.

Le choix des miroirs dit clairement qu’on parle ici de l’identité. Le miroir rappelle à celui qui s’y mire qu’il existe, mais il l’interroge aussi sur sa manière d’exister. Qu’est- ce qu’être Rrom et qu’est-ce qu’être Rrom pour les autres ? Le miroir nous renvoie aussi notre propre image et il nous interroge sur nous face à cette culture.